Pixeliums, la photo pop

L’artiste Pixeliums a fait de la photographie aux couleurs éclatantes sa marque de fabrique. Le photographe et coloriste tire son nom du mot pixel, qui devient matière à transformer avec le suffixe en « ium », complété du « s » final de son nom de famille. Ce nom d’artiste était tout trouvé pour être compris dans le monde entier. Rencontre haute en couleurs avec un photographe inclassable.

Pixeliums, parlez nous des couleurs intenses qui composent votre travail ?

« Elles sont inhabituelles par rapport au sujet représenté. La plupart du temps, la photographie sert à reproduire le réel J’étais lassé par la photo numérique, et j’ai voulu faire évoluer la photographie d’art vers des zones inexplorées. J’ai changé les couleurs de la photo et je les ai rendues plus saturées. Comme une saveur intense aiguise les papilles, une couleur plus saturée met le regard en appétit. ».

Y’a-t-il une symbolique dans les couleurs que vous retenez ?

« Oui, et non. Parfois, j’arrête les couleurs à l’instinct décisif (clin d’œil à l’instant décisif évoqué par le photographe Henri Cartier-Bresson). Parfois, les couleurs que je retiens visent à exprimer une idée. Par exemple, dans les clichés du mur de Berlin (collection Structur-A), le bleu cyan évoque la froideur des relations Est/Ouest et l’indifférence du monde pour ces prisonniers à ciel ouvert. Le rouge qui jaillit des structures du mur rappelle le sang de ceux qui le franchissaient et sont tombés sous les balles. »

Comment travaillez-vous vos photos ?

« Quand je prends une photo, je ne sais pas encore quelles couleurs elle va accepter. Je respecte le nombre de couleurs de la photo initiale et je travaille avec ce nombre, même si je change la colorimétrie. A trop multiplier les couleurs, on risque le clownesque. C’est comme en cuisine : un nombre de saveurs réduit permet de mieux les apprécier. »

Au coeur de votre travail, un outil que vous avez créé ?

« Oui, le procédé NAND2Art. Il me permet de travailler les photos pour trouver l’équilibre entre les formes et les couleurs. Ce procédé révèle quelque chose d’assez magique, parfois imprévu. Le public, d’abord surpris, s’adapte bien aux nouvelles couleurs. Le résultat est toujours intéressant avec des couleurs qui surprennent et apportent de la gaieté. Pas de photo vue et revue que l’on accroche dans toutes les habitations. »

Dès la mise en couleurs, vous pensez au catalogue, à la collection ?

« Je suis en progression constante. D’image en image, la collection s’étoffe autour des couleurs. J’élimine des photos qui, même si elles sont intéressantes, ne sont pas dans une logique de conservation ou d’exposition. D’une certaine façon, je travaille comme les musiciens au temps des disques vinyles, où pour finaliser un album (pour moi un catalogue) il fallait choisir certaines chansons et en passer d’autres à la trappe. Je suis l’homme de la photo pop (couleur). »

Vous vous dites inclassable. Avez-vous des sources d’inspiration ?

« J’ai vécu non loin de Giverny où se trouve la maison de Monet. C’est là que j’ai acheté mon premier livre sur la peinture. Ce qui m’a marqué, ce sont ses peintures dont la couleur varie selon les heures du jour. Sa représentation des meules de foin à différentes heures de la journée m’a plu. C’est probablement sa peinture qui inconsciemment a initié ma démarche. »

Vous êtes finalement aux antipodes de la photo prise sur le vif, réaliste ?

« Oui mais je vois mon travail comme une continuité dans l’évolution de la photographie, sans volonté de rompre avec la photo classique. Je propose un continuum pour amener la photo ailleurs, et la sortir du noir et blanc. J’adore cette recherche de nouvelles couleurs en post-traitement où mon instinct s’exprime. Il y a une grande part de travail et une petite part de chance. »

Sans être militant ni artiste radical, vous appréciez le contraste et la liberté ?

« Je pense que je compense une éducation rigide, une carrière passée dans un domaine réglementé avec des procédures très strictes. Ma seule autocensure, ce sont les scènes comportant de la violence, la mort, le sexe et la guerre. D’autres photographes que j’admire font du très bon travail sur ces terrains. Je préfère que mes photos apaisent des patients dans des salles de soins en hôpital. »

Pour vous, la photographie est une thérapie ?

« Oui, en partie mais j’ai surtout envie de lutter contre cette tendance à la négativité et à l’anxiété dans la société. Par rapport à l’Art Contemporain, je veux montrer un peu plus de beauté. Les impressionnistes glorifiaient ce qui était beau. Je ne retrouve pas toujours cet élan dans les expositions. Cela me tient à cœur de le proposer. »

Pour vos prochains travaux, le flou, le vide, l’abstrait : c’est un virage à 180° ?

« Cette exploration ne va rien changer à mon travail. Changer les couleurs c’est un peu comme un gâteau dont il me reste des parts à goûter. Il y a déjà des clichés abstraits dans la collection Asian Lights. Le rendu du procédé NAND2Art, quand j’enlève la nuit, attise ma curiosité. Asian Lights propose des photos abstraites sur fond blanc, gris. Dans tous les cas, on reconnaîtra ma patte colorée. »

Le blanc fait partie de vos recherches ?

« Oui car il est très apprécié par le public principalement féminin, même si je suis toujours à l’affût de la couleur. Ainsi, dans Asian Nights, à partir de photos prises la nuit, j’ai enlevé la nuit pour révéler d’autres couleurs, inattendues, sur des sujets classiques : un visage de femme en bleu/jaune ou marron/rose pour suggérer l’explosion des couleurs ou la douceur et la féminité. »

Vous travaillez la photographie éclatante, nourri de… physique quantique ?

« Dans la conception d’Albert Einstein et ceux qui lui ont succédé, il existe une simultanéité parfois difficile à se représenter dans l’univers. Avec mes photos, je tente d’explorer ce champ des possibles. J’ai parfois des ratés ou des bonnes surprises. Même l’erreur peut être intéressante et exploitée, contrairement à ce que j’ai appris enfant. Parfois, je fais un choix de couleurs et la photo va le traduire différemment par rapport à ce que je voulais voir. Ce n’est pas un souci. »

Quels sont vos projets ?

« Je suis en avance sur mes collections pour pouvoir les moduler en fonction de la demande du public. Comme un restaurateur, j’aime voir le plaisir que les gens éprouvent à « déguster » mon œuvre. Cette période d’écoute, d’attention aux autres et à moi-même me permet de réinterroger mon travail et de faire un peu d’introspection. Comme un enfant qui colorie, je n’ai pas de limite pour dire la diversité du monde avec mes photographies. »

Informations pratiques

Le travail de Pixeliums est visible sur le site : https://www.deviantart.com/pixeliums/gallery

E-mail : pixeliums@orange.fr

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